En octobre 2019, l'artiste britannique Said Adrus est revenu en Italie après plus de 10 ans d'absence. L'exposition a été structurée autour de deux espaces visuels : au rez-de-chaussée, la galerie a montré une série de calligraphies récentes tandis qu'Adrus a réalisé une installation dans le sous-sol de l'espace.
Les calligraphies d'Adrus déploient une réflexion sur la quête de sens et la construction de soi pour quelqu'un dont l'histoire personnelle se confond avec la colonisation finissante et l'émigration en Europe du Nord. Il y a chez lui une forme de poésie syncrétique qui abolit les frontières : le monde arabe, l'Inde et l'Occident surréaliste alternent joyeusement sur ces œuvres de papier, peintes à la gouache, au pastel ou tracées à l'encre de Chine.
Toutefois nous ne pouvons y distinguer des mots particuliers, comme si ces calligraphies émergeaient directement d'une pensée sans paroles. Souvenirs qui échappent à leur auteur, rêves semi-conscients qui conservent leur part de mystère, pensées interstitielles encore non formulées… Une autre interprétation pourrait être la suivante: de la même manière que Derrida écrivait "je n'ai qu'une langue et ça n'est pas la mienne", les calligraphies d'Adrus semblent nous dire que même si leur auteur excelle dans plusieurs langues, au fond il n'en habite vraiment aucune. Serait-ce l'amer constat de tous les déracinés, ce sentiment d'être toujours entre-deux ou ailleurs en exil de soi ? Pourtant, à les regarder à nouveau, ces oeuvres ne semblent pas exprimer d'amertume mais au contraire une forme de joie ressentie dans la vivacité et la diversité de la palette de couleurs.
C'est dans le langage et dans l'écriture, et plus généralement dans la communication, que s'insèrent et se constituent les sujets et les sociétés : l'artiste Said Adrus est riche de ses relations et de leurs propres tensions qui s'expriment dans ces calligraphies, ainsi que dans l'installation réalisée pour l'exposition.