Quentin Gassiat arpente les villes européennes et scrute leurs murs en décrépitude. Paris, Rome, Odessa, Kiev, Bucarest... Sur ces murs abonde encore l'affichage commercial, grâce auquel les petits boutiquiers, les guichets de spectacles, les grandes marques de consommation vont tenter d'attirer le regard du passant pour lui vendre quelque chose, le solliciter lui et son porte-monnaie.
Mais le passant n'hésite pas à déchirer, lacérer, décoller. Par cet acte anonyme et collectif, le message initial devient inintelligible. Saccager ou détourner ces excroissances de la communication de masse, nous l'avons sans doute tous fait un jour ou l'autre.
Ensuite viennent les effets du temps qui passe et de la rigueur des éléments qui délavent, modifient les contours, font déteindre les couleurs. Les lambeaux se détachent, révélant d'autres gestes, d'autres saisons. De ce qui avait originellement une clarté ciblée, celle d'un message publicitaire, il nous reste un patchwork de couleurs et de formes. Ainsi nous avons sous nos yeux des sédimentations urbaines.
Leur constante : celle d'un regard humain qui malgré son message perdu, nous appelle encore et nous scrute. Miroir du regard de l'artiste qui arpente les rues tel un entomologiste à la recherche de ces affiches éphémères, et qui leur rend hommage en les photographiant sans les altérer lui-même, pour pérenniser la beauté plastique de ces fragments de déréliction.
Extrait du catalogue publié à l'occasion de l'exposition personnelle de Quentin Gassiat, organisée par la galerie à Milan en mars 2019.